
« Que je l’aimais, que je la revois bien, notre Église ! Son vieux porche par lequel nous entrions, noir, grêlé comme une écumoire […], tout cela faisait d’elle pour moi quelque chose d’entièrement différent du reste de la ville : un édifice occupant, si l’on peut dire, un espace à quatre dimensions – la quatrième étant celle du Temps – déployant à travers les siècles son vaisseau qui, de travée en travée, de chapelle en chapelle, semblait vaincre et franchir non pas seulement quelques mètres, mais des époques successives d’où il sortait victorieux… »1
C’est en ces termes que Marcel Proust repense à la sensation vécue face à cette architecture monumentale vestige du passé alors qu’enfant il arpente la nef de l’église médiévale de Combray. Écrite il y plus d’un siècle, cette évocation de la quatrième dimension, celle du temps qui s’ajoute aux trois dimensions de l’espace géométrique, résonne singulièrement aujourd’hui où des images toujours plus époustouflantes en termes de réalisme se proposent de nous donner à voir un passé disparu ! Atteindre cette quatrième dimension n’a jamais été, semble-t-il, aussi facile. Les techniques actuelles d’images numériques, et l’infographie tridimensionnelle en particulier, proposent en effet aux diverses institutions muséales et patrimoniales de nouvelles formes de médiations éditoriales et documentaires où l’image joue un rôle de plus en plus important. Industries culturelles et institutions se rencontrent pour proposer des médiations hybrides dont nous sommes loin d’avoir aperçu l’étendu des possibilités mais aussi des enjeux tant scientifiques que politiques ou culturels…
- Marcel Proust, Du côté de chez Swann, éd. folio, Paris, 1987, pp. 58-60. [↩]